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Christian Delarue - Altermondialiste des 99% - Président du CADTM France, ex-délégué du MRAP à ATTAC
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08.12.2019
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Peuple-classe et pluri-émancipation

Peuple-classe et pluri-émancipation

Publié le 12/12/2023 à 10:55 par altermd-krisdlr Tags : classisme
Peuple-classe et pluri-émancipation
 
Je reprends ce titre ancien en 2023 pour une note très brève concernant : "Le Capital c’est nous - Manifeste pour une justice sociale et écologique » écrit par Hendrik Davi (1). Rien qu'à la lecture du plan (1) notre intérêt est là. Il y a aussi à noter "L'irruption des prolétaires" de Jacques Lancier. Commençons par voir ces irruptions fréquentes ici et ailleurs dans le monde pour contester les classes dominantes.
 
XX
 
Affronter encore et toujours la bourgeoisie classiste
 
On évoque de nos jours, une nouvelle stratégie (venue de nos défaites historiques) qui consisterait à "éroder le capitalisme " (cf Erik Olin Wright et ce qu'en dit Fabien Escalona sur Médiapart en décembre 2020) mais cette stratégiel - qui vise à renforcer le pouvoir d’agir social au sein de l’économie avec ses rapports sociaux très inégaux -fait-elle totalement l'économie, à un moment ou un autre, de l'affrontement de classe central ? Le mot central n'est pas anodin.
 
 
Citons alors ici sur ce point Lénine puisque nous sommes à quelques semaines de l'anniversaire des 100 ans de sa mort le 21 janvier 1924.
 
Un méta-discours est obligé : Il ne s'agit pas ici en citant Lénine de soutenir un marxisme de "parti unique de la classe", ni de s'opposer à une "démocratie conseilliste" au profit d' un Politburo tout puissant (Macron-Borne et le 49-3 c'est une sorte de Politiburo de la V ème République césariste ). On sait que Staline suivra avec une obsession totalitaire la pente autoritaire provisoire d'un Lenine . On sait cela . Nous préférons suivre une alliance Marx - Rosa Luxembourg contre les classes dominantes occidentales qui pourrissent le monde.
 
Un besoin de révolution est réel. Il se manifeste régulièrement depuis quelques années.
 
Citons Lénine : "Une situation prérévolutionnaire éclate lorsque ceux d'en haut ne peuvent plus, ceux d'en bas ne veulent plus, et ceux du milieu basculent avec ceux d'en bas."
 
Très sérieusement, à écouter Lénine dans ce propos ci-dessus on trouve donc des situations politiques ou le "milieu" - quelqu'en soit le format - peut donc cesser d'être en quelque sorte le "relai de la classe dominante" et basculer du côté de ceux et celles d'en-bas pour l'émancipation sociale, pour former un peuple-classe dressé contre la bourgeoisie, d'ici et d'ailleurs, pour mettre à-bas sa domination de classe et imposer une autre démocratie que celle actuelle en dérive césariste, un nouveau socialisme de type éco-socialiste.
 
Il apparaît en effet qu'au premier semestre 2023, une réelle alliance des classes sociales dominées s'est réalisée contre la réforme Macron des retraites. Il y a bien eu un large front populaire - pas les 99% d'en-bas certes mais pas loin  - contre la classe dominante ou des cadres aisés - ordinairement absents - sont venus manifester contre cette réforme. On y a même vu des petits patrons, eux aussi ordinairement absents des manifestations syndicales. Le motif y était nettement économico-social mais des féministes ont pu féconder ces nombreuses manifestations d'un contenu féministe car les femmes subissaient des pertes de droits avec la réforme Macron. L'antiracisme ne fut pas présent.
 
XX
 
Venons-en à l'ouvrage d'Hendrik Davi, qui est fort riche par l'abord de différentes théories scientifiques que je laisse de côté, n'ayant pas de désaccord sur ces développements.
 
Eux et nous :
 
L ’auteur, Hendrik Davi , NUPES ex-LCR (comme moi), donne la définition de classe dominante (page 179) : " un groupe social dont les membres partagent des intérêts matériels communs et une idéologie commune et qui bénéficie d'un pouvoir symbolique permettant la reproduction de cette idéologie au sein de la société dans son ensemble" . C'est important d'évoquer une ou des classes dominantes et de ne pas se contenter de pointer une minuscule oligarchie mondialisée au-dessus d'une nation sans classe dominante.
 
J'évoque pour ma part des classes sociales dominantes (au pluriel donc) pouvant donc connaitre des différences internes mais secondaires, secondaires car elles peuvent très aisément se souder "en soi et pour soi" pour la préservation de leurs intérêts de classe supérieure de la société. Que ce soit des hauts cadres administratifs en pantouflage et rétro-pantouflage ou des élus cumulards riches du 1% ou des avocats d'affaire du 1% ou des grands patrons ils savent tous qu'ils sont riches et qu'ils accumulent cette richesse injustement du fait de l'adoption d'une "méritocratie à l'américaine » issue du néolibéralisme des 40 dernières années, méritocratie devenue encore plus inégalitaire ces dix dernières années avec une sur-richesse forte. 
 
Tous ne placent pas l'argent accumulé dans les paradis fiscaux c'est une différence importante mais tous bénéficient de la finance et des dividendes perçus. "France stratégie" donne les chiffres de cet enrichissement indu au-dessus du peuple, du peuple-classe. Par ailleurs, le grand patronat privé continue d'exploiter classiquement la force de travail des prolétaires et meme plus largement du peuple-classe, des 99%.
 
Théorie des blocs et alliance(s) de classe(s).
 
Vouloir trouver via la "théorie des blocs" un « bon 1% » pour des alliances de classes me parait dangereux et ouvrir des perspectives à de nouvelles trahisons de classe. C'est, je crois ,ce que cherche Jean-Luc Mélenchon en posant un maxi de revenu à 20000 euros par mois ! La CGT posait, avant son dernier congrès de Clermont-Fd de 2023, une limite - déjà haute - à 15000 euros par mois mais avec un SMIC augmenté . Il faudra reconsidérer cela hors considération d'alliance de classe. De plus JLM fait silence sur l'existence de la bourgeoisie dans ses discours, fut-ce t-ils jugés populistes. Terme mis à toutes les sauces.
 
Hendrick Davi parle en terme de bloc social, "façon Gramsci" . Je ne reviens pas la-dessus . Le bloc social qu’il entend mobiliser correspond globalement au peuple-classe contre la classe dominante, ou aux 99% contre le 1% mais à ceci près qu'il entend en quelque sorte fracturer le 1% en lui trouvant des progressistes. Je connais ce débat qui a eu lieu jadis avec Samy Joshua il y a quelques années puis avec Aurélie Trouvé à l'issue de son dernier livre sur le "bloc arc-en-ciel". Je suis méfiant sur ce type de théorisation qui semble relativiser la force du classisme, de la domination de classe pour permettre une alliance de classe. La gauche progressiste allant du PS et d'EELV ignore le classisme pour de telles alliances. Ce n'est pas le cas pour Aurélie Trouvé et Hendrick Davy mais la "théorie des blocs" permet cela.
 
Revenons rapidement à la base : La classe dominante ou même les classes dominantes le sont en soi et pour soi alors que le prolétariat des 99% (les 70% + les 29% au-dessus mieux lotis) ou plus largement le peuple-classe  est lui divisé de mille manières et sans perspective d’émancipation si aucun acteur ne favorise la production d'une perspective alter-systèmique avec d'ailleurs une bataille sur le nom de la "double besogne". (charte d'Amiens de 1906) : quel nouveau socialisme ?
 
Mais la perspective d’unification ou mieux de convergence des forces est là, dans cet affrontement répété des classes sociales dominées (pourtant différentes) contre les classes dominantes du 1%, et pas que de la minuscule oligarchie mondialisée visées par les nationalistes et autres souverainistes qui ne veulent rien changer dans la structure interne de la nation.
 
Hendrik Davi veut aussi être plus précis avec le vocabulaire des "blocs" , tout comme Aurélie Trouvé dans son livre, car au sein du peuple-classe il y a des racistes et des sexistes et d’autres oppresseurs. Mais nous sommes d’accord sur cela. Aucun problème .
 
J’ajouterais même un point souvent oublié : il y a des « relais du classisme » qui assument le « sale boulot » , souvent dans les cadres et non cadres, hommes ou femmes (on évoque les "féminocrates"), des 10% d’en-haut sous le 1% et qu’il y en a aussi plus bas encore. D’ou l’idée de bloc social. Sans ces éléments de relais, la domination de classe serait faible et la révolution plus facile. Mais ces couches sociales - les 29% au-dessus des 70% - ne sont pas totalement une sorte de petite-bourgeoisie de soutien. Elles sont aussi des critiques de ce qu'elles subissent : un sur-travail (plus que 35 H hebdo) en échange d'un sur-salaire (plus que 5000 euros par mois)
 
Je préfère donc continuer d’invoquer la possibilité un peuple-classe "en irruption » (cf livre Jacques Lancier cité en 2) contre le classisme car ce clivage est central quoique pas le seul .
 
Et à ce stade de la réflexion, il importe de théoriser d’emblée un peuple-classe internationaliste avec ses peuples frères du Nord global ou du Sud global (ou des Suds), et malgré les différences culturelles (langues, religions, etc) et ce pour une alternative systémique de type éco-socialiste.
 
Cela ne signifie nullement - il faut le répéter - qu’il s’agit là d'une conception "mono-émancipation" d’ordre économico-social seulement. La lutte contre les autres formes d’oppression est évidemment importante. Ces points sont acquis à gauche y compris chez la gauche sociale-libérale (le PS) qui oublie elle le classisme . Une "trahison des élites" dit RM Jennar en 2004.
 
Le féminisme, quand à lui a intégré la coupure 99% / 1% en pointant même des féminocrates qui reconduisent le classisme, la domination de classe, la lutte des classes dominantes. Ce sont elles qui mènent la lutte, la "guerre de classe" même, pas les prolétaires qui résistent, plus rarement gagne un dispositif avantageux pour eux.
 
Point important, comme ce peuple-classe est massivement salarié, du public et du privé, plus les étudiants (futures salariés) et les retraités (ex salariés), il est à ce titre naturellement mobilisé par les syndicats de travailleurs et travailleuses, comme on la vu à propos de la retraite Macron lors du premier semestre 2023.
 
"La rue », avec ses grèves et ses manifestations, a ordinairement un impact sur le contenu social et même écologique de la démocratie et de ses décisions. Soit la démocratie s’enrichie de dispositifs sociaux pour former un Etat social conséquent soit elle se durcie en passant en mode césariste ou en démocrature avec un contenu classiste .
 
Dans l’option première, la définition même de la démocratie peut en être bousculée par l'en-bas alors qu’elle est actuellement prise en charge par les classes sociales aisées - la sous-bourgeoisie - voire par les riches du 1%.
 
Christian DELARUE
 
1) Ed Horsdatteinte.org octobre 2023
Voici le plan du livre .
I - Pourquoi des révolutions sont-elles nécessaires ?
II - L’horizon écologiste, socialiste et démocratique
III - Stratégies révolutionnaire
IV - Que faire en France au XXI ème siècle
 
2) Irruption : je reprends là la formule de Jacques Lancier dans "L’irruption des prolétaires" Ed Manifeste ! 2021 qui défend une stratification de type 70%, 29%, 1% (Page 14) qui comme moi et comme Hendrik Davi montre le 1% classiste.